Des pas ouvrent l’album, des pas sur le sable et les graviers d’un lit de rivière à sec. « Warrangu » signifie en effet « rivière » en ngemba, la langue des aborigènes de la région de Brewarrina, à plus de 700 kilomètres au nord de Sidney. Ces pas, ce sont ceux de Dobby, un jeune rappeur et batteur australien, auteur de plusieurs titres à succès dans son pays, comme I can’t breathe, la bande-son de la version locale du mouvement Black Lives Matter. Celui qui chemine à ses côtés est son mentor, Brad Steadman, un Ngemba qui connaît à merveille le pays, ses habitants et ses rivières.
L’Australie est parfois vue – de loin – comme un désert. En réalité, l’île-continent est constellée de rivières dont les Aborigènes tirent profit depuis des millénaires. Leurs aménagements pour l’irrigation ou l’élevage de poissons font partie des plus anciennes traces de l’activité humaine sur notre planète. Mais les rivières australiennes sont aujourd’hui mal gérées. La Barwon a par exemple été asséchée par l’irrigation illégale d’une plantation de coton et un million de poissons est mort à Menindee, en Nouvelle-Galles du Sud, en raison d’un manque d’oxygène.
Dobby évoque ces problèmes et d’autres qui leur sont liés en anglais, en ngemba et même en murrawarri, une langue considérée comme éteinte mais dont il reste des enregistrements. Sous ses mots se glissent des cordes, des chœurs, des cuivres ou des enregistrements de terrain. Entre eux s’immiscent des interludes au piano, des conversations avec les anciens ou le cri du Cassican à gorge noire (Cracticus nigrogularis). Un véritable torrent d’inventions mélodiques est sorti de son lit !
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de Dobby