Chaque été, un petit festival réunit dans un jardin botanique des Landes des musiciens hors normes : ils connectent des instruments à des végétaux et les font chanter. Pour cette nouvelle édition, le Festival International de la Musique des Plantes a invité aux côtés de Jean Thoby, son fondateur, quelques fidèles : le scientifique suisse Ernst Zürcher, le chercheur en musicothérapie botanique Renaud Ruhlmann, le pianiste Marc Vella… Des artistes viennent également de l’autre côté de l’Atlantique, comme le guitariste Clive Wright (qui a eu son quart de gloire dans les années 80 avec le groupe Cock Robin), un autre guitariste de rock, Tom Wall, ou un DJ argentin, Rodrigo Tamay. Ce dernier publie régulièrement des disques intrigants sur lesquels il traduit en musique l’activité secrète de végétaux ou de champignons. Il explique pourquoi…
Comment avez-vous découvert la musique des plantes ?
Rodrigo Tamay : « J’ai découvert la musique des plantes grâce au travail de l’artiste Mileece. Je venais de sortir mon album Algoritmos et, en continuant mes recherches sur Internet, je suis tombé sur son travail. Il m’a marqué. A cette époque, le jardinage était mon hobby. J’avais des plantes dans mon jardin et, depuis de nombreuses années, j’étais proche d’elles. La musique végétale m’a permis d’unir ces deux mondes. »
Comment des outils comme les boîtiers de bio-sonification (qu’on branche sur les plantes pour traduire leurs variations électriques en son) ont-ils changé votre façon de faire de la musique ?
Rodrigo Tamay : « Ces boîtiers ont complètement changé ma façon de voir l’art. Non seulement la musique, mais aussi l’art sonore. Quand j’ai commencé à m’intéresser à la musique des plantes, en Argentine, il était pratiquement impossible de se procurer un boîtier de ce genre, alors j’ai fabriqué le mien. Cette expérience m’a demandé un an de travail. Aujourd’hui, je commercialise mes appareils au travers de ma société Hyxa et, grâce à cela, je peux aider toute personne de mon pays qui souhaiterait s’impliquer dans la musique végétale. La bio-sonification m’a également permis de réaliser des expériences avec des champignons. En 2021, j’ai publié le résultat de mes sonifications du mycélium, le corps végétatif des champignons : un album intitulé Fungi Sounds. J’ai également travaillé avec des cristaux et une partie de ce travail peut être entendue sur Cristales sonoros qui est sorti cette année. »
Votre rapport aux plantes a-t-il également changé ?
Rodrigo Tamay : « Bien que je m’intéresse aux plantes depuis de nombreuses années, ce qui s’est passé, lorsque j’ai commencé à travailler sur la musique des plantes, c’est que je me suis mis à étudier plus en détails la vie du monde végétal, pour laquelle je n’avais pas (et n’ai toujours pas) de formation académique, ma formation étant plutôt artistique. J’ai également pu commencer à établir une communication avec les plantes grâce à la bio-sonification. A travers les conférences et ateliers que je donne régulièrement, je peux également diffuser leur message et sensibiliser le public à l’importance de lier nature et art. »
Avez-vous vraiment le sentiment que les plantes vous écoutent, qu’elles vous répondent ?
Rodrigo Tamay : « Des expériences personnelles de communication avec les plantes, oui, j’en ai vécues. Et je crois que toute personne qui a été présente lors de l’une de mes présentations l’a vérifié. Surtout, il y a des études et des expériences depuis 100 ans à ce sujet. La communication est plus forte lorsqu’il existe un lien émotionnel entre la plante et la personne qui interagit avec elle. Je comprends que cela puisse sembler étrange. Je le comprends d’autant mieux que j’ai eu moi aussi des doutes. Je recommande à tous ceux qui sont intéressés mais qui doutent que ce soit possible, d’abord d’en faire l’expérience et ensuite de s’informer, car heureusement il y a aujourd’hui beaucoup d’informations disponibles. Un bon endroit pour s’informer pourrait être le Festival International de la Musique des Plantes, où il y aura des rencontres techniques et artistiques. »
Selon vous, quel est l’avenir de la musique des plantes ?
Rodrigo Tamay : « Je crois que la musique des plantes est un mouvement artistique en constante expansion. Dans mon pays, il y a quelques années, je ne connaissais personne qui savait de quoi il s’agissait. Aujourd’hui, la musique des plantes ne passionne pas seulement les artistes, elle intéresse aussi les institutions, les médias et même les agences de l’Etat. Deviendra-t-elle populaire ? Honnêtement, en tant qu’artiste, je m’en fiche, ce n’est pas ça ma quête. En général, depuis le siècle dernier, la musique populaire répond toujours au même schéma : elle doit être facilement accessible. En ce sens, il me semble difficile que la musique des plantes devienne populaire, car elle ne répond pas aux schémas d’harmonisation de la gamme. Cependant, ces derniers temps, je sens que la musique évolue vers de nouveaux schémas, de nouveaux paradigmes. Il n’y a pas que les musiciens célèbres que tout le monde connaît. Je suis musicien et producteur de musique et je rencontre souvent des gens qui ont un public important mais dont je ne connais même pas le nom. Je pense que c’est très sain, je pense que cela démocratise l’art. Et je crois aussi qu’il y a un public pour n’importe quelle forme d’art. »
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de Rodrigo Tamay Le site web du Festival International de la Musique des Plantes