Notre rapport au reste du vivant évolue. « Comme le langage et le rire, la musique est le propre de l’homme » lisait-on dans une Petite encyclopédie de la musique co-éditée par la Cité de la Musique en 1997. Aujourd’hui (et les autres primates en riraient si quelqu’un était capable de leur traduire la blague), la Philharmonie de Paris, qui a absorbé la Cité de la Musique, se pose mille questions à l’occasion de l’exposition « Musicanimale ». Une étude dirigée par Yoshiki Ito et financée par plusieurs institutions japonaises, dont la Japan Agency for Medical Research and Development, tombe à point nommé puisqu’elle s’intéresse à la perception du rythme par les rats.
L’immense majorité des humains pense en effet que la réaction positive à la musique est une caractéristique de leur espèce mais il n’en est rien. L’article paru dans le numéro de novembre de Science Advances révèle que ces rongeurs ont une capacité innée à détecter le tempo d’une musique et à y réagir.
Notant que « la synchronisation à un rythme situé entre 120 et 140 battements par minute (BPM) est courante chez les humains et fréquemment utilisée dans la composition musicale », les chercheurs ont diffusé à des rats quelques chansons caractérisées par ce type de tempo (Born this way de Lady Gaga, Another one bites the dust de Queen, Beat it de Michael Jackson et Sugar de Maroon 5). Ils ont également joué des extraits d’une minute de la Sonate pour deux pianos en ré majeur, KV 448/375a, de Mozart en modulant la rapidité de l’interprétation, la passant à 75 %, 100 %, 200 % et 400 % de la vitesse d’origine.
Pour mesurer la façon dont les rats répondaient à la musique, les scientifiques les ont équipés d’accéléromètres, des capteurs destinés à mesurer les micro-vibrations de leur corps.
Résultat : des rats qui n’avaient jamais été exposés à la musique auparavant semblent battre la mesure lorsqu’ils entendent une musique dont le rythme est compris entre 120 et 140 BPM. La diffusion du morceau de Mozart est probablement la partie la plus intéressante de l’expérience, puisque la réaction la plus nette a été notée à l’écoute de la version originelle du morceau, joué d’ordinaire à 132 BPM.
Jusqu’à présent, le goût des humains pour les rythmes compris entre 120 et 140 battements par minute (BPM) était expliqué par certains critères physiologie de notre espèce : ils correspondent notamment à notre marche ou à la fréquence cardiaque d’un nouveau-né. S’il en était ainsi, l’appréciation du rythme varierait d’une espèce animale à une autre, en fonction, par exemple, de la corpulence ou de la fréquence des pas. L’expérience laisse plutôt penser que le tempo situé entre 120 et 140 battements par minute (BPM) est, au contraire, apprécié par plusieurs espèces et pourrait dépendre d’une constante dans l’activité neuronale. Ce qui nous sépare des autres animaux n’est probablement pas là où on le croit…
Photo de têtière : Robert Owen-Wahl (via Pixabay)
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