Qu’aiment écouter les moustiques ? Des chercheurs basés en Malaisie, aux Iles Caïman, au Japon, en Indonésie et en Thailande – Hamady Dieng, Ching ChuinThe, Tomomitsu Sathod, Fumio Miake, Erida Wydiamala, Nur Faeza A.Kassim, Nur Aida Hashim, Ronald E. Morales Vargas et Noppawan P.Morales – apportent une réponse évidente à cette question que personne ne se posait.
Pour cela, ces scientifiques ont placé de nombreux spécimens d’Aedes aegypti, le moustique qui est le vecteur principal de la dengue, du zika, du chikungunya et de la fièvre jaune, dans deux contextes différents. Dans le premier était diffusé de façon constante Scary monsters and nice sprites du DJ californien Skrillex. Dans le second régnait le silence. C’est naturellement le deuxième milieu qui leur a le mieux convenu.
Le son et sa bonne réception sont en effet cruciaux pour l’alimentation et la reproduction de ces insectes. Les vibrations à basse fréquence facilitent leurs interactions sexuelles, alors que le bruit perturbe la perception des signaux que leur envoient leurs congénères mais aussi les humains qui fourniront aux femelles la dose de sang dont elles ont besoin (même si l’essentiel du repérage des proies passe par les récepteurs olfactifs de ces animaux, qui détectent aisément l’acide lactique très présent dans la sueur des homo sapiens). Sous l’influence de la déroutante musique de Skrillex, les moustiques ont donc attaqué plus tardivement et moins fréquemment leurs hôtes et ont copulé beaucoup moins souvent.
Les chercheurs écrivent : « Outre des informations sur la sensibilité auditive d’Aedes aegypti, nos résultats indique la vulnérabilité de sa capacité vectorielle à la musique électronique (NDA : La « capacité vectorielle » est le nombre d’inoculations attendues par jour). Savoir qu’une telle composition peut retarder les attaques, réduire l’alimentation et perturber l’accouplement offre de nouvelles voies pour le développement de mesures de protection basées sur la musique contre les maladies transmises par Aedes ».
Cette étude publiée dans le volume 194 d’Acta Tropica laisse sans voix. Certes la dengue, le zika, le chikungunya et la fièvre jaune sont des maladies terribles, dont il faut protéger l’humanité. Mais faut-il pour autant imposer aux hommes et aux autres animaux un flux constant de musique, qui s’apparenterait à une pollution sonore ? La réponse – et Skrillex en conviendrait certainement – est tout aussi évidente : non !
Photo de têtière : Muhammad Mahdi Karim, Wikipedia
Pour aller plus loin... La présentation de l'étude sur ScienceDirect