Il n’en ont pas l’air comme ça, avec leurs petites oreilles pointues, mais les cochons d’Inde ont une ouïe assez proche de celle des humains. Ils servent donc aux scientifiques à tester l’effet des innovations en matière de son. L’équipe de Paul Avan, directeur du Centre de recherche et d’innovation en audiologie humaine à l’Institut de l’audition, a par exemple fait écouter pendant 4 heures de la musique très compressée à un groupe de ces rongeurs, tandis qu’un autre groupe de rongeurs écoutait les mêmes airs sans compression.
Aucun animal n’a été frappé de surdité. Mais les scientifiques ont observé que, chez les cobayes exposés à la musique compressée, les circuits nerveux de contrôle étaient perturbés. Les petits muscles situés au fond de leur oreille présentaient d’indéniables signes de fatigue. Les animaux ont mis plus de 48 heures à se remettre.
D’autres expériences auront prochainement lieu mais tout porte à croire que la musique surcompressée génère une forme de surmenage. Quasiment généralisée depuis la fin du XXe siècle, à la suite de l’apparition des radios FM (légalisées en France en 1981), du Compact-Disc (1982) et surtout du mp3 (1995), la compression consiste à réduire le volume de données définissant un son, pour alléger le fichier qui le porte. La surcompression, elle, lisse le spectre sonore en relevant le niveau des passages les plus faibles. Il est possible de compresser de la musique sans en modifier la dynamique mais l’effet recherché avec la surcompression est l’inverse : il s’agit de tonifier chaque instant pour surplomber le brouhaha environnant, au risque de perdre les temps de repos de l’oreille.
Christian Hugonnet, ingénieur acousticien et fondateur de la Semaine du Son, commente ainsi l’étude de Paul Avan : « Je me suis rendu compte que nous avions perdu la relation avec le son naturel et qu’il fallait que nous rentrions dans cette problématique de l’usage de la compression ». Après la conférence initiale, avec Christian Hugonnet, Paul Avan, mais aussi Christine Petit, directrice et fondatrice de l’Institut Directeur du Centre de Recherche de l’Audition, et Alain Londero, médecin ORL, la Semaine du Son organise le premier février à 20h au Théâtre du Chatelet un « concert démonstration » donné par Thomas Dutronc. Pour lutter contre l’ « asphyxie de l’oreille » que pourrait causer la perte des micro-silences dans la musique compressée, un travail de réflexion, mené notamment avec l’Ircam, pourrait aboutir à un projet de label qui indiquerait sur les enregistrements et leurs supports que la compression est (ou non) respectueuse de l’oreille humaine…
Photo de têtière : Vantage Point Graphics (via Pixabay)
Pour aller plus loin... Le site web de la Semaine du Son