Mount Eerie, Haley Heynderickx… L’automne sur la côte ouest

L’un vit sur l’île d’Orcas, au large de l’État de Washington, à mi-chemin entre Seattle et Vancouver ; l’autre réside à Portland, la bouillonnante capitale de la musique alternative étatsunienne, juste au-dessous de l’État de Washington. Cet automne, Phil Elverum, alias Mount Eerie, et Haley Heynderickx publient chacun un nouveau disque dans lequel il est question de nature.

Le premier album de Haley Heynderickx s’intitulait I Need to Start a Garden. Celui qu’elle publie sur le label Mama Bird en ce mois de novembre Seed of a seed. Il prolonge le premier, qui parlait de réalisation de soi, en évoquant toutes les aides reçues en cours de route, de la part des amis, bien sûr, mais aussi des paysages ou des forêts (notamment dans la chanson Redwoods (Anxious God)). Dès le morceau d’ouverture, Gemini, la narratrice invite à s’arrêter et à se garer sur le côté « juste pour regarder le trèfle violet au bord de l’autoroute / Et voir le trèfle comme un cadeau / Un cadeau que j’ai presque manqué / Tu sais que je commence enfin à me sentir mieux ». Sur Mouth of a Flower, la chanteuse de Portland décrit un monde dans lequel l’homme n’a qu’une obsession : « prendre, prendre, prendre ». L’univers de la surconsommation et des nouvelles technologies nous éloigne autant de nous-mêmes que de la nature suggère Haley Heynderickx tout au long d’un album plutôt folk, où les guitares et la voix rivalisent de luminosité.

Mount Eerie, lui, ne craint pas la noirceur. Night Palace, son nouvel album, est une île cernée par des eaux glaciales, en partie couverte d’une brume électrique, où l’auditeur peut se perdre (le disque dure 80 minutes) sans risque. La nature y est centrale. Phil Elverum orne ses compositions d’enregistrements bruitistes de la pluie ou du vent et émaille ses textes d’allusion aux oiseaux ou aux baleines. « C’est de cela que parle cet album : faire la vaisselle le soir après avoir mis l’enfant au lit et regarder le monde par la fenêtre, (…) un moment où l’on voit des éclairs au loin mais où l’on est à l’abri de la tempête » a-t-il expliqué au magazine The Fader.

Parfois, le chanteur se fait plus précis, comme sur Co-Owner of Trees, rêverie ironique sur la notion de propriété, ou sur Non-Metaphorical Decolonization : « L’endroit où je vis a un nom / Mais il y en a un autre, plus ancien / Émergeant à travers la brume / Nous vivons désormais dans les décombres d’une force colonisatrice / Dont le poison raciste coule encore / Tellement effrayés par un moment d’inconfort / Que nous nous détournons de l’évidence : / Tout ce que nous avons est volé et ne peut être possédé ».

Cet automne, il n’y a pas que les cris de victoire de Donald Trump qui retentissent aux Etats-Unis. Sur la côte ouest, Haley Heynderickx et Mount Eerie chantent d’autres histoires, esquissent d’autres relations au vivant.

Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web de Phil Elverum, le chanteur de Mount Eerie
Le site web d'Haley Heynderickx

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