« There are no fixed points in space » (« Il n’y a pas de point fixe dans l’espace ») disait Albert Einstein. Et, effectivement, notre planète tourne sur elle-même et autour du soleil, lui-même lancé à 850 000 kilomètres heures dans sa course aux confins de la Voie lactée, elle-même filant dans l’espace à une vitesse démente : plus de 2 millions de kilomètres heure. On imagine bien l’usage que le chorégraphe Merce Cunningham pouvait faire de l’adage d’Einstein dans sa pièce de 1987, basée sur une musique de John Cage. Ce qu’en fait Modern Nature est plus énigmatique mais pas moins bienvenu…
Sur son troisième album – intitulé, donc, No fixed point in space – le groupe de Jack Cooper semble en apesanteur. Chaque musicien suit sa propre orbite. Leurs trajectoires se croisent, se recoupent mais jamais ne se télescopent. Pourtant, la sensation d’une profonde harmonie est palpable.
Plus que vers l’astronomie, l’imaginaire du groupe semble tourné vers le vivant. En témoigne le deuxième titre, Murmuration, qui doit son nom aux fascinants vols groupés d’oiseaux, fréquent en particulier chez les étourneaux. Une batterie réduite à une cymbale, une guitare électrique qui semble avancer sur la pointe des pieds, des instruments à vent à l’arrière-plan, deux voix qui chuchotent (Jack Cooper est rejoint par Julie Tippetts sur le refrain), tout semble voltiger de concert, aller vers l’avant puis vers l’arrière, comme le font les passereaux.
« Avec ce disque, je voulais que la musique reflète la nature », explique Jack Cooper dans un communiqué de presse, « que la musique et les mots ressemblent à des racines, des branches, du mycélium, aux subtilités d’un refrain à l’aube, aux neurones en activité, à l’inconnu ».
Le résultat, No fixed point in space, n’est pas tout à fait inclassable. Sa pop ouatée aux ambitions de musique de chambre rappelle notamment les expériences menées par Talk Talk à la fin des années 1980. Mais elle se démarque par sa façon de mettre l’humanité à distance. Il est plus question ici de constellations, de surfaces, de crépuscules ou de ronces que des habituels désirs et frustrations des hommes ou des femmes. Si les champignons enregistraient de la pop, elle sonnerait peut-être ainsi…
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de Modern Nature