Dominique A ne prend personne par surprise. Il y a 10 ans, son dixième album studio, Vers les lueurs, affichait déjà dès la couverture sa couleur verte. Il prenait dès ses premiers mots appui Contre un arbre (« Oublie la ville / Oublie la vitesse / Oublie l’agression verbale / Contre un arbre ») pour s’élever ensuite contre la laideur de nos constructions (« On voit des autoroutes / Des hangars des marchés / De grandes enseignes rouges / Et des parking bondés / On voit des paysages / Qui ne ressemblent à rien / Qui se ressemblent tous / Et qui n’ont pas de fin / Rendez-nous la lumière / Rendez-nous la beauté / Le monde était si beau / Et nous l’avons gâché »).
Dix ans plus tard, donc, l’auteur du Courage des oiseaux revient avec un album traversé par l’air du temps, avec son lot de désillusions et d’inquiétudes. Le premier titre s’intitule Dernier appel de la forêt et déroule sur presque sept minutes une superbe ode à l’évasion (« On quittera le lit défait / Dans le plus parfait des silences / On ne nous reverra jamais (…) / Nous reprendre qui le voudrait ? / Dernier appel de la forêt »), aussi poétique par ses textes que par son orchestration, les instruments entrant et sortant de scène un à un, dans un défilé bariolé, à chaque instant surprenant.
Il est question là de séismes et d’avalanches, de virus et d’incendies, ailleurs, d’icebergs qui transpirent ou de fin des temps. De toute évidence, le changement climatique est l’un des fils rouges de l’album mais, mêlé aux cordes, il prend des teintes plus délicates que sur les écrans des journaux télévisés. « Ce n’est pas sous une pluie de feu qu’on se met à l’aquarelle » chante Dominique A sur Le monde réel. Pourtant, dans le chaos des années Covid, dans la fournaise des étés sans eau, le chanteur a encore gagné en élégance, en légèreté. Il a confié ses textes à quelques jazzzmen amis (le contrebassiste Sébastien Boisseau, le pianiste Julien Noël, la flûtiste Sylvaine Hélary…). Tous, dans un studio des bords de Seine, ont enregistré en même temps, en s’écoutant, en laissant le tempo flotter doucement. Cela se sent, cela s’entend et cela se chante même, puisque c’est la chaleureuse leçon d’Avec les autres, premier extrait doux-amer de l’album : « Nous n’irons bien / Nous n’irons loin / Qu’avec les autres ».
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de Dominique A