Le Quatuor Tchalik n’a eu aucune difficulté à se choisir un nom de scène : ses membres étant frères et sœurs, ils se présentent fièrement sous leur patronyme. Ces liens familiaux explique probablement leur éclatante complicité, l’évidence du dialogue de leurs violons avec l’alto et le violoncelle. Leur remarquable identité sonore provient, elle, de leur choix d’instruments. « Nos instruments ont vraiment été faits pour nous » dévoile Louise Tchalik. « Nous travaillons depuis longtemps avec des luthiers. Nous sommes assez proches d’eux. Nous sommes sensibles à la manière dont nos instruments sont construits. Ils sont fait de bois très particuliers, assez précieux, assez rares ».
Une discussion avec l’un des ces luthiers les a poussés à s’engager : « Nicolas Despiau, de la marque Despiau Chevalets, fabrique nos chevalets, des pièces essentielles dans la production sonore de nos instruments. Il a remarqué une raréfaction des essences qu’il utilise, du fait du changement climatique. Il utilise un arbre très particulier : l’érable sycomore. Il ne pousse qu’en Bosnie, sur un haut plateau, dans un endroit très froid. Or, pour un bon chevalet, on a besoin d’un bois très dense, avec une croissance très lente ; les arbres qu’il exploite sont donc très âgés, ils peuvent avoir jusqu’à 250 ans. Nicolas Despiau a décidé de préserver ces ressources. Dans le monde de la lutherie, on va chercher des bois qui ont des qualités non seulement sonores mais aussi esthétiques. On aime un bois sans défaut, sans nœuds. Nicolas Despiau a fait faire des tests scientifiques sur des bois qui présentent des particularités esthétiques, pour savoir si elles altèrent la qualité sonore. Ces tests concluent l’inverse : la qualité sonore est la même. Il a donc décidé de mieux exploiter ces ressources en ne jetant pas au rebut tous les bois qui présentent une originalité. Ils coupent moins d’arbres et les exploitent mieux. En plus, visuellement, ces irrégularités peuvent être très très belles. »
Le Quatuor Tchalik, qui a très vite adopté ces chevalets peu orthodoxes, a décidé de devenir « ambassadeur Despiau Planet ». Les frères et sœurs parlent dès qu’ils le peuvent de ces problématiques. « Il nous semble important d’aider les luthiers à protéger ces ressources, à protéger la planète » continue la violoniste. « Sinon, on se retrouvera tous à jouer sur des instruments en carbone. Le bois est un très beau matériau, il a des qualités extraordinaires. Les instruments se bonifient avec le temps parce que la matière est vivante. On dit que les violons « s’ouvrent ». La manière dont nos instruments sonnent aujourd’hui, dix ans après leur fabrication, n’a rien à voir avec celle des débuts. »
Les quatre musiciens, qui évitent l’avion et privilégient le train ou les voitures « bourrées à craquer », se battent aussi pour le pernambouc, le bois dans lequel sont taillés leurs archets. « Il pousse dans un endroit très spécifique sur la côte Atlantique du Brésil, un endroit menacé de déforestation » explique Louise. « Les Brésiliens cherchent à protéger ce bois mais le statut de protection qu’ils demandent entraînerait une réduction des voyages des musiciens. On ne pourrait plus passer les frontières avec nos archets, ce bois serait traité comme l’ivoire. Ce serait problématique ! Il faut savoir que nos archets ont été fabriqués à partir de stocks constitués depuis longtemps. Or, cet arbre, on pourrait le planter et le protéger, il faudrait juste s’y prendre à l’avance. C’est une question importante pour les musiciens et les luthiers. »
Louise, sa sœur et ses frères ont donc choisi de reverser une part des recettes de leur nouvel album à l’International Alliance of Violin and Bow Makers for Endangered Species. Ce disque s’intitule tout simplement Mozart et réunit les Quatuors à cordes KV 458, KV 499 et KV 589. Les amateurs d’érables sycomores et de pernamboucs ne peuvent que lui souhaiter le plus grand succès…
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin...
Le site web du Quatuor Tchalik
Le site web des Chevalets Despiau
Le site web de l'International Alliance of Violin and Bow Makers for Endangered Species