Et la prochaine génération dans tout ça ? Celle qui n’a pas encore achevé ses études, celle qui ne commencera à faire véritablement carrière dans la musique que dans quelques années, dans un monde en pleine mutation… Le festival lyonnais Superspectives a choisi de donner la parole à l’une de ses représentantes, Margaux Dauby. La jeune femme créera dimanche 3 juillet l’une de ses toutes premières œuvres dans la « maison de Lorette », une impressionnante bâtisse de la Renaissance située au-dessous de la Basilique Notre-Dame de Fourvière.
La pièce se glissera entre deux œuvres conçues pour des ondes Martenot : Les Sirènes de Charles Koechlin, un contemporain et ami de Ravel, et Outremer de Bernard Parmegiani, un compositeur de musique électroacoustique qui a fait partie du fameux « Groupe de Recherches Musicales » à partir des années 1960. Entre ces deux phares, elle se trouvera une place naturelle puisqu’elle fait elle aussi appel aux ondes et à une thématique aquatique. « La découverte des ondes Martenot m’a tout de suite fait penser à un dialogue entre l’humain et la baleine. Il y a dans les ondes Martenot quelque chose d’extrêmement flottant, qui peut aisément sortir d’un système métrique ou des règles temporelles habituelles. Cela a tout de suite évoqué dans mon esprit quelque chose d’aussi souple et d’aussi énigmatique que le chant des baleines. J’ai voulu explorer cette piste » explique-t-elle.
Sa pièce, Dans l’œil de la baleine, combine l’instrument pionnier des musiques électroniques, joué par la jeune virtuose lyonnaise Cécile Lartigau, et des enregistrements. « J’ai traité certains sons pour qu’ils se rapprochent, par certains aspects, du chant des baleines et j’en ai utilisé d’autres qui n’avaient pas de lien direct mais qui pouvaient leur servir d’écrin » précise-t-elle. « La pièce est conçue comme un dialogue. Je me suis beaucoup inspirée des très célèbres enregistrements du docteur Payne pour essayer de saisir les différents aspects du chant des baleines et voir comment, musicalement, je pouvais en proposer une autre version. Je n’avais pas envie de premier degré. S’il s’agit d’écouter des baleines, mieux vaut aller les voir chez elles. J’avais plutôt envie de voir comment je pouvais réinventer un chant de baleine ».
« Je ne sais pas si le conservatoire nous apprend à dialoguer avec le vivant » répond-elle lorsqu’on l’interroge sur le rapport de l’institution à la nature. « En tout cas, il nous apprend à dialoguer avec la matière, la matière sonore qu’est le matériau musical. Quoi que je puisse amener à mes professeurs, quelles que soient les idées que je peux avoir, j’y ai la possibilité d’expérimenter ».
« Dans ma pièce, la baleine est un objet extra-musical, un argument poétique sur lequel je projette ce que je ressens. Je me suis beaucoup posé la question de l’utilité de mon métier. Cette question a été mise en avant lorsque la culture a été définie comme « non-essentielle » pendant le Covid. Au-delà de ça, en tant qu’artiste, on se demande comment on va être utile, comment on va faire évoluer le monde, comment on peut contribuer à ce que les choses aillent mieux… En commençant doucement, sans nécessairement le mettre énormément en avant, à utiliser des idées créatives comme celles-ci, j’attire l’attention des gens sur ce qui les entoure » indique Margaux Dauby, avant de conclure « Si on peut mêler l’art à la vie, moi, ça me va très bien ».
Photo de têtière : festival Superspectives Portrait : Angélique Tragin
Pour aller plus loin... Le site web du festival Superspectives