Billie Eilish et sa mère, Maggie Baird, recevront le prix « Missions in Music » en octobre, lors du prochain gala de l’EMA (Environmental Media Association), pour leurs efforts en matière de développement soutenable. Cela n’arrivera pas à Björk. Sa mère, la militante écologiste Hildur Rúna Hauksdóttir, est décédée en 2018. Björk l’évoque à deux reprises sur son dixième album, au travers d’Ancestress et de Sorrowful Soil.
Björk évoque également sur ce disque les relations intrafamiliales de façon plus large, plus souterraine. Son titre, Fossora, pourrait d’ailleurs se traduire par « celle qui creuse ». La terre qu’elle fouille et fore est d’abord celle de son propre pays, l’Islande, où cette éternelle nomade s’est arrêtée trois ans du fait du Covid. Les brumes et les volcans de l’île imprègnent tout l’album, qui alterne douces mélopées et geysers de gabber (un courant de la techno hardcore particulièrement percutant), et deux titres sont en islandais.
Surtout, champignons, mousses et racines peuplent les paroles de cet album, bien au-delà des deux chansons qui leur semblent dédiées, Mycelia (« mycélium ») et Fungal City (« ville fongique »). Björk s’en donne à cœur joie sur toutes les photos et dans tous les clips, assumant pleinement les déguisements les plus stupéfiants.
Les paroles d’Atopos donnent à ceux qui ne l’auraient pas encore saisie la clé de cette nouvelle obsession. « Are these not just excuses to not connect? / Our differences are irrelevant / To only name the flaws / Are excuses to not connect » chante-t-elle (« Ne s’agit-il pas d’excuses pour ne pas se connecter ? / Nos différences sont sans importance / Ne parler que des défauts / Est une excuse pour ne pas se connecter »). Tout sur ce disque exalte les relations invisibles, les liens enfouis, les rhizomes secrets, les associations utérines… Jusque-là ignorés par le monde de la pop (sauf, à de rares occasions, pour leurs propriétés hallucinogènes), les champignons accèdent avec ce disque de Björk à un statut de symbole mondial des connexions nécessaires à notre épanouissement. Un beau cadeau, qui n’est pourtant rien en comparaison de celui qu’ils nous ont fait : sans eux, il n’y aurait pas de forêt sur terre, voire pas de vie du tout…
Photo de têtière via Pixabay