L’électro prend racine. Sur Höhn, son nouvel album, la douce house music d’Eric Haynes est bâtie sur des enregistrements de terrain. Mouches et feux de bois, ruisseaux effervescents de l’Alberta et du Québec, tout grésille paisiblement au long de ses sept titres ondoyants. Le Canadien explique sa recette…
Où êtes-vous allé chercher les sons que vous avez utilisés pour créer « Höhn » ?
Eric Haynes : « J’ai créé cet album pour explorer comment la géographie et la nostalgie influencent la musique, donc les lieux de collecte sont tous proches de mes anciennes maisons de Calgary et de Montréal. Plus précisément, j’ai recueilli des sons à deux endroits dans le Parc national Banff, un endroit à Calgary et un endroit dans le Parc national d’Oka. »
Comment avez-vous transformé vos enregistrements ?
Eric Haynes : « Pour faire les chansons, j’ai commencé par classer mes enregistrements de terrain dans des catégories distinctes puis j’ai créé une palette de sons qui pourraient fonctionner pour différents instruments. Ensuite, j’ai improvisé les mélodies, les progressions d’accords ou les grooves qui sont devenus la base des morceaux. Il y a une page sur mon site Web où vous pouvez entendre certains des échantillons originaux que j’ai utilisés pour créer ces morceaux. »
Vous dites que dans ce processus vous n’ajoutez jamais rien qui n’était pas présent lorsque vous étiez dans la nature. En êtes-vous sûr?
Eric Haynes : « La base de ces morceaux est exclusivement constituée des enregistrements de terrain que j’ai collectés. À l’aide de logiciels comme Arturia’s Pigments et Ableton’s Sampler, j’ai déformé les échantillons en fonction de mes besoins. Certains sons finaux, comme ceux que jouent la batterie, sont très proches des sons d’origine, tandis que de nombreux sons de basse et de synthétiseur sont radicalement différents. J’ai utilisé divers plugins pour changer les sons tout au long du processus, mais la source de chaque chanson reste les échantillons que j’ai collectés. Je me suis également limité en n’utilisant pour chaque chanson que les sons d’un seul et même emplacement ».
Votre but était-il de nous rappeler que la musique est partout autour de nous ?
Eric Haynes : « Oui ! Je souhaite combler le fossé entre l’art et le monde naturel. C’est le sens du lien profond qui unit cet album et la nature, à travers les magnifiques environnements éloignés dans lesquels sa source a été enregistrée. Je veux rappeler aux auditeurs que les sons de tous les jours sont de l’art en eux-mêmes, rapprocher mon public du monde naturel et les inspirer à vivre des modes de vie plus durables. Je me suis en partie inspiré du livre de Jenny Odell, How To Do Nothing. Elle insiste sur l’importance de s’occuper du présent et du local pour combattre la « logique invasive des médias sociaux commerciaux et leur incitation financière à nous maintenir dans un état profitable d’anxiété, d’envie et de distraction ». Elle évoque le bio-régionalisme, une prise de conscience non seulement des nombreuses formes de vie de chaque lieu, mais de la façon dont elles sont interdépendantes, y compris avec les humains. Je veux encourager une sorte de bio-régionalisme sonore dans la veine de John Cage, pour qui « tous les sons sont musique ». »
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web d'Eric Haynes