Sur la pochette : une paire de lunettes. Deux verres cerclés de fer, étroits et légers, que Gustav Mahler portait à la fin de sa courte vie. Leur fragile humanité correspond bien au titre qui orne le haut du disque : « Mahler intime ». Pour ce nouveau projet, le Trio George Sand (Virginie Buscail, violoniste, Diana Ligeti, violoncelliste, et Anne-Lise Gastaldi, pianiste) aborde en effet deux symphonies du compositeur avec la délicatesse de la musique de chambre. Les trois femmes ont également invité la soprano Jennifer Tani et l’altiste Violaine Despeyroux, pour un programme qui s’ouvre aussi à Alma Mahler, à Arnold Schönberg (retranscrit par Gérard Pesson) et à la compositrice contemporaine Noriko Baba. Les enregistrements sont accompagnés de textes de la biographe Evelyne Bloch-Dano, des musicologues Anna Stoll Knecht et Thomas Vernet, ainsi que d’un témoignage de Marina Mahler, la petite-fille du compositeur.
Un bel objet, que le label Elstir a souhaité le plus naturel possible : « Pour ce disque, on n’a pas voulu de plastique », explique Anne-Lise Gastaldi, membre du Trio et cofondatrice de la maison de disques. « On a donc fait l’emballage nous-mêmes avec du papier calque. C’est très compliqué : en fait, le papier calque se dégrade s’il contient de l’acide sulfurique. On a fait une recherche parmi ces papiers, pour savoir lesquels étaient réellement dégradables. Même chose pour le carton : on pense qu’ils sont tous automatiquement recyclables mais ce n’est pas si simple. Avec notre label, nous avons opté pour des cartons qui sont un peu plus coûteux que les autres mais, après tout, on défend une cause… Il ne reste que la galette du disque qui n’est pas dégradable. »
« Nous, on voulait un objet poétique et cet emballage en papier calque permet un bel effet de transparence », ajoute la pianiste. « Avec notre label, Elstir, on défend l’idée d’un disque qui serait un objet à part entière, pas seulement un objet de communication. Notre distributeur nous a très gentiment informés qu’on ne pourrait pas vendre le disque tel que nous l’avions imaginé, parce que son emballage est fragile. On n’a pas souhaité renoncer à une présence dans les grands magasins, alors on l’a enlevé et trouvé encore un nouvel emballage sans plastique. »
Autant que leurs convictions personnelles, c’est la personnalité de Gustav Mahler qui a guidé l’équipe du label dans cette démarche. « Pour écrire sa musique, Mahler se retirait dans de petites maisons au bord de lacs. C’est là qu’il trouvait l’inspiration » poursuit Anne-Lise Gastaldi. « Lui-même l’écrit : si on veut comprendre sa musique, il faut plonger dans la nature. Je me suis plongée dans sa biographie pour préparer ce disque, il était également proche de la nature dans son mode de vie. Il était un « écologiste avant l’heure » : il était végétarien (Léonard de Vinci l’était aussi, il n’était donc pas le premier) et son respect de l’environnement était avant-gardiste. »
L’engagement d’Elstir va au-delà du choix de matériaux dégradables. « Il y avait deux choses importantes pour Gustav Mahler : les enfants et les arbres, la nature » rappelle Anne-Lise Gastaldi. « On fait donc équipe avec une association magnifique qui s’appelle « Des enfants et des arbres ». On a pensé à ce partenariat dès le départ. L’association sensibilise les enfants au respect de la nature ; elle invite chaque année des milliers de collégiens à planter des arbres, notamment chez des agriculteurs de leur département. On a décidé qu’on lui reverserait une partie de certains de nos cachet et, dans chaque disque, on a glissé une carte. Sur le recto figure une citation de Gustav Mahler à propos de la nature et, au verso, il y a une présentation de l’association ».
Dans l’espoir que les mélomanes se décideront à s’engager à leur tour…
Photo de têtière : Cénel et François Mauger Photo du trio : Elsa Laurent Toutes autres images : droits réservés
Pour aller plus loin... La page dédiée au projet sur le site du label Elstir