Sa tournée européenne ne passe pas par la France et c’est dommage. Aditi Veena, alias « Ditty » (« chansonnette » en anglais), mériterait d’être une égérie musicale de ce côté aussi du Rhin, elle qui a commencé en jouant dans les rues pour réclamer des espaces publics pour les femmes et a été la première Indienne à organiser une tournée neutre en carbone. Après Poetry Ceylon, salué par India Today comme le « debut album de l’année », Ditty publie cette semaine Kali sur le label allemand Cloud Hills et se lance dans une tournée qui la mènera à Prague, Freiburg, Cologne, Munich…
Une de vos précédentes tournées s’appelait « Make Forests Not War ». Pourquoi avoir appelé votre tournée européenne « For our children » ? Êtes-vous inquiet pour leur avenir ?
Ditty : « Dunya (For our children) est une chanson de mon nouvel album, Kali. Les paroles disent « J’ai grandi en croyant que la guerre était normale… alors que le génocide continue dans nos esprits ». Je suis très préoccupée par le monde tel qu’il est aujourd’hui. Nous vivons dans un monde d’après-guerre, post-colonial, et, même si l’on pourrait penser que nous sommes plus sages maintenant, ce monde reste en guerre. Non seulement les génocides continuent, mais une immense guerre est aussi menée autour des ressources naturelles, l’eau et le pétrole notamment. Ce qui est célébré, c’est l’hypercapitalisme, la dictature et les milliardaires. Avant que nos enfants puissent vivre, nous les avons déjà privés d’eau potable, d’air pur, de santé, de liberté et de paix. »
Avant d’être musicienne, vous avez été une professionnelle de l’écologie…
Ditty : « Ce sont mes deux facettes. Je n’ai pas pu me lancer dans une carrière musicale plus tôt dans ma vie. Ce n’est pas facile de le faire en Asie du sud. Nous n’avons pas de structures stables comme la Gema (NdA : l’équivalent allemand de la Sacem) ou de soutien et de financement pour l’art et la musique. J’ai donc travaillé sur le terrain en tant qu’écologiste urbaine pendant une décennie. J’ai de l’expérience dans la restauration de vieux bâtiments, la préservation de paysages, l’enseignement de la permaculture, le travail avec les communautés indigènes en Inde pour documenter leurs interrelations avec les forêts et enfin la plantation de forêts. C’est de là que me vient l’inspiration pour ma musique. Je remets constamment en question mon rôle d’artiste. A travers ma musique, je veux créer un espace pour des conversations importantes et permettre aux gens de se connecter à la partie de nous-mêmes que nous sommes en train de perdre, la partie de nous qui se sent connectée à nous, aux autres et à toute vie sur Terre. »
Pourquoi tournez-vous de nombreux clips dans des forêts ?
Ditty : « J’expérimente depuis longtemps l’enregistrement de musique en extérieur, dans des forêts. Auparavant, j’ai enregistré en Inde et, maintenant, je le fais aussi en Allemagne. Récemment, j’ai enregistré une vidéo en direct avec mon groupe dans la forêt de Plänterwald. J’ai exploré des méthodes d’enregistrement plus naturelles. Il s’avère que dans la forêt, les feuilles sur le sol agissent comme une isolation phonique et que le son est très bon. Je trouve les studios stériles et, comme une grande partie de la musique que je fais parle du monde naturel, je suis heureuse d’être en extérieur et d’ajouter cette dimension à ma musique. »
Votre nouvel album, Kali, aborde à nouveau les questions environnementales…
Ditty : « Dans ma culture, nous ne sommes pas séparés de l’environnement. Nous sommes tous interdépendants. L’« environnement » est une construction occidentale conçue pour pouvoir extraire et exploiter ce qui est « en dehors de nous ». Nos problèmes d’aujourd’hui sont tous étroitement liés. La pauvreté, le capitalisme, le racisme et la crise climatique ont tous quelque chose en commun. Moi, ce qui m’intéresse, c’est de parler de la société telle qu’elle est. Mes chansons ne sont que des reflets de ce que je vois. Sur Kali, elles commentent l’état du monde postcolonial, les villes du Sud global, les problèmes d’eau, la crise climatique, le capitalisme, la discrimination, la migration et le racisme, entre autres… »
Pourquoi avez-vous choisi de sortir Kali sur du vinyle recyclé ?
Ditty : « C’était la meilleure décision à prendre. Je suis contente de savoir que nous n’avons pas utilisé de plastique vierge pour fabriquer ces disques, que nous pensons au recyclage des déchets, ça me rend vraiment heureuse. Les disques sont magnifiques et, finalement, chacun est unique. »
Photo de têtière :
Pour aller plus loin...
La page Bandcamp de Ditty