Magie de la technologie… Dans les premières secondes de leur nouvelle chanson, Vaiteani et Luc chantent en tahitien. L’instant d’après, deux percussionnistes de Papouasie Nouvelle-Guinée leur répondent, alors qu’ils sont situés à 7 300 kilomètres de là. Puis interviennent des musiciens et chanteurs de Taïwan (à 10 700 kilomètres de Tahiti), de l’île Maurice (4 000 kilomètres plus loin) ou de Madagascar (à 600 kilomètres de plus). Le projet « Small Island Big Song » a en effet pour ambition de faire dialoguer des artistes dispersés dans les océans Indien et Pacifique pour que, finalement, ils chantent d’une même voix.
Le premier extrait du nouvel album de ce collectif est une chanson du duo tahitien Vaiteani, composé de la chanteuse qui porte ce nom (en français : la « source céleste ») et du guitariste et percussionniste Luc Totterwitz. Et, immédiatement, la question de l’environnement émerge. « Que dirons-nous à nos enfants si nous ne parvenons pas à protéger notre planète ? » s’interrogent les deux musiciens. Les derniers mots de la chanson reviennent à Selina Neirok Leem, de l’atoll de Majuro, parmi les îles Marshall. Une phrase est extraite de son discours lors de la plénière de clôture de la COP21, où elle était la plus jeune oratrice : « If this is a story about our islands, it is a story for the whole world » (« Si c’est l’histoire de notre île, c’est l’histoire du monde entier »). A défaut de pouvoir donner la parole à tous les participants (Emlyn & Kokol de l’île Maurice, Tarika Sammy de Madagascar, Yoyo Tuki de l’île de Pâques…), Vaiteani et Luc précisent leur propos…
Quels sont les effets du réchauffement climatique dans votre région ? Quels changements observez-vous à Tahiti ?
Vaiteani et Luc : Il y a 2 principaux effets du réchauffement climatique que l’on observe en Polynésie. D’abord le blanchissement des coraux, dû principalement à l’augmentation de la température de l’eau. Très souvent, cela a pour conséquence la mort des coraux, ce qui perturbe tout l’écosystème marin. Là où les coraux sont morts, il n’y a plus de poissons.. Ensuite, des plages disparaissent petit à petit. Le niveau de la mer augmente et elle avance jusqu’au bord, faisant disparaître le sable.
Savez-vous si les mêmes changements s’observent dans les autres îles (ou archipels) d’où viennent les différents membres de « Small Island Big Song » ?
Vaiteani et Luc : Oui. L’artiste Putad, qui est une Amis de l’île de Taïwan, nous a par exemple rapporté qu’elle a également remarqué le phénomène de blanchissement des coraux, qu’elle côtoie régulièrement puisqu’elle est surfeuse et plongeuse. C’est pour cette raison qu’elle a choisi la plage sur laquelle elle a grandi en apprenant à nager pour improviser sur la chanson Ta’u Tama. « J’espère que mon fils et ma fille pourront toujours profiter de cette plage, qu’elle ne changera jamais… » nous a-t-elle confié.
Avez-vous le sentiment d’une injustice climatique ?
Vaiteani et Luc : Nous trouvons tous que nos gouvernements ne prennent pas les mesures nécessaires pour changer ce qui doit l’être afin d’améliorer ou au moins de stabiliser la situation écologique de la planète. L’économie reste leur priorité, alors que notre avenir et celui de nos enfants est en jeu. Cela fait des dizaines d’années que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme. Nos dirigeants ont une grande responsabilité. Nous avons le sentiment que, même si elles ne sont pas toutes faciles à mettre en place, les solutions existent. Nous pourrions modifier nos mode de vie et de consommation pour notre plus grand bien et celui des toutes formes de vies.
Comment voyez-vous l’avenir ? Parvenez-vous à rester optimistes ?
Vaiteani et Luc : On souhaite rester optimistes et confiants, même si ce n’est pas tous les jours facile. Et on essaie de faire notre part et de travailler pour créer ce monde nouveau dans lequel nous aimerions que nos enfants puissent vivre : un monde où l’on respecte la nature qui nous accueille et nous donne tout ce dont nous avons besoin, un monde où il n’y aurait plus d’espèces en voie d’extinction à cause de nous.
Photo de têtière : Cénel et François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de « Small Island Big Song »