Fragile, peu mobile, la harpe classique est sans doute l’instrument qu’on associerait le plus difficilement aux grands espaces. Sur Memories, un album sorti dans le courant de l’été, Claire Augier de Lajallet a cherché à briser cette image. « Je voulais sortir de tous les sentiers battus, de cette image très élitiste de la harpe classique, un instrument dont le répertoire se limite trop souvent à Haendel et Fauré » explique-t-elle. Elle a donc choisi une double thématique, celle des souvenirs et celle – bien plus risquée – de la nature sauvage, et a passé une commande à une compositrice d’aujourd’hui.
La harpiste a en effet contacté est la Canadienne Eileen Padgett. « Elle est originaire de Colombie britannique, elle a des racines écossaises, irlandaises et philippines » détaille Claire, qui se souvient : « En 2010 et 2011, j’étudiais à Science Po Paris. Je devais faire ma troisième année d’étude à l’étranger. Je me suis retrouvée à Vancouver, à l’University of British Colombia. J’ai eu l’opportunité de jouer au sein de l’orchestre universitaire, dont elle était la compositrice en résidence. On a joué certaines de ses œuvres et j’ai eu un coup de foudre. Quand je lui ai commandé une œuvre, elle a tout de suite été partante. Je lui ai parlé de mes thèmes principaux, les souvenirs et la nature, et elle a décidé de s’intéresser à l’eau. »
En résulte une suite en quatre mouvements, Memories of water. D’une grande fluidité, les compositions de la Canadienne s’enchaînent, alternant dérives apaisées et cascades de notes, sans que jamais le fil de la mélodie ne se rompe. « Sur ce disque, je joue quelques pièces contemporaines dont l’approche est assez simple » acquiesce la harpiste. « Je voulais rendre hommage à des compositrices et des compositeurs qui ne sont pas assez connus à mon sens, tout en privilégiant les mélodies. »
« Comme la pièce d’Eileen Padgett explore la relation de l’homme à la nature, j’ai tout de suite pensé la compléter avec Elegy for the Arctic de Ludovico Einaudi » ajoute Claire Augier de Lajallet. « Cette œuvre est très connue mais elle n’avait pas encore été enregistrée à la harpe. Je me suis dit que je pourrais l’adapter. J’ai choisi le thème des souvenirs et de la nature pour que les auditeurs se remémorent leur enfance ou leur plaisir à être dans la nature. Aujourd’hui, la nature est en danger. Chaque fois que je joue la pièce d’Einaudi en concert, je demande au public d’y réfléchir : quand on pense à l’Arctique, on pense aux icebergs et aux ours polaires. Ce sont les premières images qui viennent à l’esprit. En fait, si on continue comme ça, ces images ne seront bientôt plus que des souvenirs. »
Tout en douceur, Claire Augier de Lajallet associe ainsi réminiscences intimes et mondes sauvages, sur un instrument qu’on n’aurait jamais imaginé dans ce registre…
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de Claire Augier de Lajallet