Pianiste de formation classique, compositeur de musiques de films, Baptiste Allard aimer flâner à proximité des haies, non loin de chez lui, en Haute-Normandie, entre Lyons-la-Forêt et Forges-les-Eaux. Il y écoute le cycle de vie des oiseaux et des insectes au fil des saisons et en tire de nombreuses idées. S’est ainsi qu’est né Nature of birds, une série de partitions interprétées avec les violonistes Antoine Beux et Marie-Alix Grenier, l’altiste Pauline Le Toullec, le violoncelliste Paul Colomb et la flûtiste Margot Mayette, sur lesquelles vient se poser une imitatrice d’oiseaux, Emmanuelle Leroux. Les explications du compositeur…
D’où vous est venue l’envie de ce disque ?
Baptiste Allard : « L’envie m’est venue de mon attachement de plus en plus fort à la biodiversité. Je suis trentenaire, je vis entre la Normandie et Paris. J’ai grandi en Normandie, en pleine nature, et je suis de plus en plus sensible à la cause animale. Je voulais trouver une manière personnelle de sensibiliser les gens, le faire au travers de mon art. Ce disque est un premier pas. Dès que j’ai commencé à y réfléchir, d’autres facteurs sont apparus dans le processus de création. Au début, je ne savais pas trop dans quelle direction aller. Mon éditrice, Isabel Dacheux, m’a suggéré de faire enregistrer des chants d’oiseaux par des humains. Je ne connaissais pas toutes ces personnes hyper talentueuses qui savent reproduire ces sons, comme justement les Chanteurs d’Oiseaux. J’ai contacté Emmanuelle Leroux, une autre Normande. »
Comment la collaboration s’est-elle mise en place ? Comment, par exemple, avez-vous choisi quels oiseaux figureraient sur le disque ?
Baptiste Allard : « J’avais quelques oiseaux en tête. Ce n’est pas le métier d’Emmanuelle, d’imiter des chants d’oiseaux. Elle le fait depuis qu’elle est petite mais elle a mille autres talents : elle peint des décors, elle fait plein d’autres choses… Je lui ai demandé ce qu’elle était capable d’imiter et j’ai composé autour de son répertoire. J’ai d’abord écrit la musique pour quatuor à cordes, piano et flûtes (traversière et piccolo), une musique classique à la française, post-romantique. Au fur et à mesure, je laissais une place aux chants d’oiseaux. »
Et tout s’est mis en place à l’enregistrement…
Baptiste Allard : « J’ai d’abord enregistré la musique. J’ai enregistré les chants avec Emmanuelle dans un second temps. On a enregistré beaucoup de matière sonore, qu’on a ensuite coupée, positionnée, montée sur la musique… C’est particulier, le chant d’oiseau, on ne peut pas enregistrer une imitatrice d’oiseaux comme on enregistre une musicienne, en direct. Emmanuelle avait des enregistrements de plusieurs saisons. Moi aussi, j’avais enregistré dans notre région de la matière sonore réelle, que j’ai également placée dans les morceaux pour créer une ambiance. Tous les chants d’oiseaux qu’on entend sont d’Emmanuelle, les enregistrements leur donnent seulement un d’ampleur. »
Dans quelle partie de la Normandie avez-vous précisément puisé votre inspiration ?
Baptiste Allard : « En Haute-Normandie, dans la Seine Maritime, entre le domaine de Lyons-la-Forêt et Forges-les-Eaux. On appelle cette zone autour de Neufchatel le « pays de Bray ». »
Vous le disiez, c’est un disque qui s’inscrit dans la lignée de la musique classique, notamment celle du début du vingtième siècle, mais aussi de la musique pour le cinéma. Quels compositeurs ont été vos modèles ? Et que pensez-vous de leur rapport à la nature ? La musique classique doit-elle, selon vous, se rapprocher de la nature, qu’elle avait un peu déserté ?
Baptiste Allard : « Il y a tout de même des compositeurs comme Messiaen qui ont montré la voie. A ma connaissance, il est l’un des compositeurs les plus proches du vivant, des oiseaux. Effectivement, ma culture musicale navigue entre le classique (Beethoven, Mozart…), le romantisme (Chopin, Liszt…), le post-romantisme (Debussy, Ravel, Rachmaninoff…)… Je les écoute depuis ma plus tendre enfance. Tout cela se mélange avec une culture cinématographique assez large, en partant des compositeurs de la Nouvelle Vague à ceux des standards d’Hollywood : Michel Legrand, Georges Delerue, Philippe Sarde, John Williams, John Barry, Ennio Morricone, Nino Rota… Ce sont mes références mais j’aurais dû mal à parler de leur relation à la nature. Ce n’est pas une question qu’on a l’habitude de se poser. J’étais allé voir l’exposition « Musicanimale » à la Philharmonie de Paris et j’ai appris beaucoup de choses. C’est un champ qui n’est pas encore très exploité. Cet album était pour moi un premier pas. Je m’encourage moi-même à continuer dans cette veine et à produire de nouvelles partitions en lien avec la nature. Je compte poursuivre ce travail très intéressant… »
Image de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de Baptiste Allard