Babx voulait écrire « une œuvre consacrée à la révolte actuelle de la jeunesse confrontée à un avenir incertain et au dérèglement climatique », la voici ! Le chanteur et compositeur, repéré dès 2006 avec un album nommé aux Victoires de la musique dans la catégorie « révélation de l’année », a confié son oratorio athée aux adolescents de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique. Il s’en explique…
Comment est né ce nouveau disque ? Et quel rôle ont joué les jeunes de la Maîtrise Populaire dans sa naissance ?
Babx : « Il est d’abord né d’une commande qui m’a été passée par l’ensemble Justiniana, un ensemble vocal d’enfants basé à Vesoul. On a créé ce répertoire sur scène en 2022. Après cette expérience qui nous a tous marqués, j’ai voulu poursuivre l’aventure et l’enregistrer avec un ensemble, en l’occurrence à Paris, parce que j’y passe plus de temps qu’à Vesoul. J’ai été mis en relation avec Sarah Koné, qui a créé et dirige la Maîtrise de l’Opéra Comique. Elle a accepté de manière très spontanée d’enregistrer leur premier album. Les enfants ont accueilli le projet avec beaucoup d’enthousiasme parce qu’il parle d’eux. Ils n’avaient pas affaire à un compositeur du XVIIIe siècle qui arriverait avec des objets qui leur paraîtraient un peu lointains. Ce qui est en jeu dans ces pièces est, pour certaines et certains, assez proche de leurs préoccupations, de ce qu’ils ont à dire de l’état du monde et de leur place dans la société. »
C’est ce qu’ils vous ont dit ?
Babx : « Alors, comme ce sont des adolescents, la communication demande parfois à être décryptée… Mais c’est en tout cas le retour qui m’a été fait par la cheffe de chœur. On l’a senti aussi au fur et à mesure des répétitions pour l’album et aussi des concerts à l’Opéra Comique, où il y avait vraiment quelque chose de très fort. »
On entend par exemple Greta Thunberg dans l’introduction. Les représente-t-elle ?
Babx : « Oui, je crois. Il y a évidemment divers degrés d’implication dans ces questions-là chez les jeunes. Dans la Maîtrise, ils sont une centaine, de 10 à 18 ans. On n’a pas exactement les mêmes préoccupations à tous les âges. Mais je crois que Greta Thunberg est une porte-parole très importante pour la jeunesse contemporaine. »
Vous avez choisi de faire chanter à ces jeunes des textes de Blake, de Baldwin et de Pasolini. Comment les avez-vous sélectionnés ?
Babx : « J’avais envie d’écrire une pièce basée sur l’architecture des pièces liturgiques. N’étant pas croyant, j’ai dû chercher des textes dont émanait une certaine spiritualité mais qui ne font jamais appel à un dieu précis. Je voulais qu’il y ait une profondeur mystique dans ce projet mais qu’il reste débarrassé de cette idée de dieu. A mon sens, la question de l’enfance, la question de la survie, la question de ce que devient cette planète, tout ça revêt un caractère qui nous dépasse. J’ai cherché dans les livres des grandes religions monothéistes, je vous avoue que je n’ai pas été subjugué par ce que j’ai trouvé. J’avais déjà mis en musique des poèmes de William Blake, qui est extrêmement mystique mais cite assez peu dieu. Comme c’est écrit dans un anglais limpide, la langue s’adapte à la voix. Des textes comme O Earth, qui est vraiment une sorte d’incantation à la Terre, ou Little Boy Lost, l’appel d’un enfant, étaient parfaitement appropriés. Baldwin était un fils de pasteur qui a récupéré dans son écriture la scansion pastorale. Pasolini était lui aussi un mystique à sa façon. Aucun n’a, du moins à ma connaissance, fait l’apologie d’une quelconque religion. Ça m’intéressait d’employer le sacré et la spiritualité sans jamais poser la question de la religion. »
Quel est l’avenir de ce projet ? Y aura-t-il d’autres concerts ?
Babx : « On y travaille. C’est une production qui demande beaucoup d’argent. Faire monter 5 musiciens 100 chanteurs sur scène, c’est tout de suite un gros défi. On aimerait beaucoup rejouer ce répertoire mais, avec Sarah, on a été vite d’accord sur l’idée que ce qui nous préoccupait, c’était que l’œuvre devienne accessible à plein d’autres ensembles vocaux pour enfants. Ce que j’espère, c’est que cette œuvre de leur temps, qui parle de leurs préoccupations, écrite pour eux, va pouvoir être chantée par d’autres enfants, adoptée par d’autres chefs de chœur. »
Photo de têtière : François Mauger
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