A défaut d’un sigle « bio » ou d’une appellation d’origine protégée (« AOP »), une vingtaine de producteurs de musique basés en Nouvelle-Aquitaine – Pagans, Slowfest, La Reverb’, Mélodinote, Hart Brut… – ont décidé de se regrouper pour créer un label de qualité qui permettrait au public de les distinguer des multinationales du secteur. Ethique autant qu’écologique, leur démarche embrasse les questions de circuit court, d’égalité des genres, de conditions de travail… Entretien avec Pauline Gobbini, chargée du développement et de la diffusion de l’une des structures, KiéKi Musiques, et présidente de l’association qui attribue le petit logo rose…
Pourquoi avoir créé un label de qualité pour les musiques de Nouvelle-Aquitaine ? A quels besoins répond-il ?
Pauline Gobbini : « Pourquoi ? Parce que la notion de label devient un principe important dans la consommation, dans l’alimentaire notamment. Les consommateurs sont de plus en plus vigilants. Il n’était pas évident de transposer ce principe dans le champ musical mais on s’est dit « Pourquoi pas ? ». Nos métiers sont traversés par pas mal de questions, d’interrogations. On s’est dit qu’on pouvait créer un label de garantie qui apporterait des réponses aux questions d’environnement, de conditions de travail, de mixité, de solidarité, de coopération, de sortie d’une logique de concurrence… D’où l’idée du label Bâbord »
Du côté de l’éco-responsabilité, vous prônez bien sûr une éco-conception des spectacles mais aussi un réduction graduelle, de 10% par an, des émissions de gaz à effet de serre. Comment cela va-t-il fonctionner ?
Pauline Gobbini : « Il va falloir faire un bilan carbone. Nous réunissons des producteurs de musique (de concerts ou de disques). Pour adhérer à Bâbord, il y a une quarantaine de critères. Ils ne sont pas tous obligatoires mais il faut en respecter au moins 22 et s’engager à en respecter un de plus chaque année. C’est une démarche d’amélioration continue. Après avoir fait un bilan carbone, les structures voient de quel côté elles polluent et apprennent comment réduire cette pollution. Beaucoup de structures n’ont pas encore réalisé ce bilan mais, comme, chaque année, elles doivent cocher une case de plus, elles vont avancer dans ce sens. »
Quelle réaction attendez-vous du public ?
Pauline Gobbini : « De l’engouement ! Non, je sais qu’il va falloir être patient. Parce qu’on fédère des producteurs et productrices de musique, tous indépendants, il va falloir attendre avant que se préoccuper de notre petit label devienne une habitude. Il ne sera pas tout de suite repéré par le public, pas de la même manière qu’on repère un label bio ou équitable. Mais nous sommes optimistes. Ces questions-là sont aussi celles du public. Petit à petit, il va faire attention à ce qu’on essaie de défendre. S’engager sur la mixité, l’environnement ou la solidarité n’est pas une évidence dans le secteur musical mais on va essayer de faire les choses. On avait aussi envie de donner de tout ça une image un peu décalée, assez fun. C’est pour ça qu’on a des outils de communication et des visuels qui sont plutôt sympas. On n’a pas envie que notre engagement soit perçu comme une contrainte. La musique est censée être porteuse de liberté, d’émancipation, de diversité, de dialogue entre les cultures… On n’a pas envie de donner l’image d’un label qui vient fermer des frontières ou imposer des contraintes. On fait le pari de pouvoir, à la fois, rendre la musique plus éthique et continuer à avoir du plaisir à aller à des concerts pour découvrir des artistes. »
Photo de têtière : Cénel Fréchet-Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de Bâbord