Avenir de la musique : le Centre National de la Musique sort sa boule de cristal

Quel avenir pour le secteur musical ? Celui que lui réserve la société, répond sagement le Centre National de la Musique dans une étude publiée il y a quelques jours. Mais l’institution ne s’arrête pas là et, avec l’aide de la société d’ingénierie et de conseil Ramboll, elle décrit 4 scénarios possibles pour l’année 2050.
L’étude commence par rappeler la fragilité du secteur musical dans un contexte de changement climatique et de raréfaction de certaines matières premières. Les aléas climatiques risquent d’entraîner chaque année plus d’annulations d’événements. Des restrictions d’usage de l’électricité, voire même des coupures de courant, pourraient à l’avenir affecter le secteur en général et les sociétés qui proposent du streaming en particulier. Ces dernières auraient, en cas de canicules répétées, le plus grand mal à refroidir leurs data centers. Des difficultés d’approvisionnement sont susceptibles d’intervenir dans le domaine du vinyle et du CD. Partout, de la facture instrumentale au spectacle vivant, les coûts pourraient augmenter. Certaines de ces tendances s’observent d’ailleurs dès à présent.

S’appuyant sur les scénarios de l’Ademe intitulés « Transition(s) 2050 » et sur les réflexions d’un groupe de professionnels du secteur musical, l’étude décrit 4 avenirs possibles.

Le premier scénario est celui de la frugalité. Les auteurs décrivent de terribles sécheresses de 2028 à 2033, provoquant des pertes humaines et matérielles sans précédent. Les citadins ont déserté les capitales au profit de villes de taille plus modeste. La nature a été sanctuarisée. Les échanges nationaux, voire internationaux, se sont réduits. Résultat : les émissions de gaz à effet de serre ont chuté. Mais ce demi-effondrement a frappé le secteur musical. La pratique amateur se maintient mais seule quelques élus deviennent professionnels. Les festivals ont réduit leur jauge et sont devenus des rassemblements écoconçus. La facture d’instruments est devenue locale. Les artistes circulent peu. Ce qui ne les empêche probablement pas d’être heureux…

Le deuxième scénario part de l’idée que la transition a été soigneusement préparée, au moyen d’un programme gouvernemental nommé « France sociale et inclusive, adaptée et décarbonée ». Tout est devenu plus mesuré. Les citoyens sont impliqués dans cette transformation en douceur de la société, ils participent même à des conseils culturels locaux. L’économie de la musique s’est bien sûr un peu réduite mais les acteurs les plus influents de la musique enregistrée sont encore présents. Dans chaque recoin du secteur musical, des mesures organisent un minimum de redistribution des revenus. Une loi MNR – « loi pour la Musique numérique responsable » – a été votée. L’activité de concert se poursuit de façon responsable. Le problème : ce scénario bienveillant est encore trop énergivore pour correspondre à la « Stratégie Nationale Bas-Carbone » (SNBC), l’actuelle feuille de route nationale pour lutter contre le changement climatique.

Le troisième scénario est placé sous le signe des énergies vertes. Les autorités et les grands acteurs de l’économie ont massivement investi dans le développement de technologies moins énergivores et moins polluantes. Les énergies fossiles ont été remplacées et des technologies de captage et de stockage du CO2 ont été développées. Les entreprises les plus importantes du secteur musical y trouvent leur compte, contrairement aux associations qui voient les subventions liées à l’application de normes toujours plus strictes leur échapper. D’une façon générale, l’écart se creuse entre la portion congrue du public qui a les moyens de continuer à consommer des produits et des services culturels et une majorité de citoyens qui doit réduire ses sorties. Le pire étant que ce scénario affiche, en matière de réduction des gaz à effet de serre, un score très nettement inférieur à celui des scénarios précédents.

Le quatrième et dernier scénario postule que la croissance économique mondiale a continué de s’accélérer, les villes de se densifier, le confort des plus riches de s’accroître. L’Occident est plus que jamais dépendant de ses technologies. Les inégalités sociales et territoriales n’ont jamais été aussi grandes. L’État a cessé d’intervenir dans le champ culturel, redirigeant ses ressources vers les problèmes de sécurité climatique. La musique a été complètement livrée au marché. Dans un paysage culturel homogénéisé, le statut d’intermittent du spectacle n’existe plus. Le streaming est la principale source d’accès à la musique enregistrée et les très coûteux grands concerts se produisent dans de rares lieux couverts, obligeant artistes et spectateurs à de grands déplacements. Inutile de préciser que ce scénario ne règle en rien les questions de réchauffement climatique, se contentant tout juste de réparer les dégâts.

Mille autre scénarios seraient possibles, en combinant les uns avec les autres. Mais ces quatre hypothèses méritent d’être lues plus attentivement. Elles permettent en effet de mieux comprendre les conséquences des décisions qui se prennent aujourd’hui. Précise et détaillée, la cinquantaine de pages du rapport publié par le Centre National de la Musique a le mérite de rappeler que l’avenir commence maintenant !

Pour aller plus loin...
Télécharger l'étude du Centre National de la Musique

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