Comme tout le monde, lorsqu’elle s’est retrouvée confinée, Marie-Monique Robin s’est demandée d’où venait la maladie qui la menaçait. Mais, à la différence du reste de l’humanité, la documentariste a mené l’enquête. N’espérez pas pour autant un livre à suspense : l’auteure de Le monde selon Monsanto n’a pas retrouvé le « patient zéro », ni pénétré subrepticement dans les laboratoires chinois. Ce qu’elle a passé ses mois de confinement à faire aura sans doute un effet plus durable que de désigner un coupable. Elle a en effet dialogué par écrans interposés avec une soixantaine de scientifiques à propos des maladies infectieuses émergentes, du rapport entre les virus et les humains ou de la relation de tout cela avec l’effondrement de la biodiversité.
Le lecteur découvre, étonné, le travail de chercheurs qui ne passent que très rarement dans les médias : l’impayable Serge Morand, Français expatrié en Asie, auteur de la préface de l’ouvrage, Richard Ostfeld et Felicia Keesing, le couple qui a forgé le concept d’ « effet dilution », Gaël Maganga, installé au Gabon pour étudier les chauves-souris… Page après page, l’interconnexion de tous les vivants, du plus petit au plus grand, est admirablement démontrée.
Pourquoi en parler dans un magazine culturel ? Parce que la culture, ou plutôt les cultures ne sont pas absentes de ces pages… Marie-Monique Robin a notamment interrogé la linguiste et anthropologue Luisa Maffi, fondatrice – avec David Harmon – de l’association Terralingua. La penseuse a établi pour le WWF une carte qui « montrait clairement que les écorégions riches en biodiversité végétale et animale étaient également celle où il y avait la plus grande diversité linguistique, mais aussi culturelle ». « Ensuite », ajoute-t-elle, « à la demande de l’Unesco, nous avons réalisé une seconde carte qui visait à identifier les régions du monde où la biodiversité était menacée et celles où les langues étaient en danger d’extinction. Nous avons constaté qu’elles se superposaient ».
La compagne de l’économiste écologiste David Rapport analyse la situation ainsi : « La raison de cette marche collective vers ce que certains appellent « l’effondrement » est l’uniformisation de la pensée, qui considère la diversité – biologique ou culturelle – non pas comme une richesse mais comme un obstacle à un type de développement fondé sur l’extraction et la consommation exponentielle des ressources naturelles ».
Il n’y a pas que les virus qui font peur…
A lire : La fabrique des pandémies de Marie-Monique Robin, éditions La Découverte, 2021
Photo de têtière : Cénel et François Mauger