Comment aborder avec légèreté des sujets pesants ? Comment ne pas perdre la grâce lorsqu’on évoque la crasse ?
La question est posée tout au long du plus récent album des sœurs Caronni. Sous leur nom en lettres capitales, la pochette porte ce titre amer : Santa Plástica. La photo montre Laura et Gianna enfermées derrière un rideau fait de bribes de bouteilles. Leur regard semble éteint, leur habituel sourire s’est évanoui. Pourtant, à sa façon, le cliché ne manque pas de poésie. Il émane de leur pause une beauté froide, bleutée, intangible mais au fond bien réelle. La fantaisie des deux musiciennes offre une chair abstraite à la divinité qu’elles ont inventée pour narrer notre époque, ce « Saint-Plastique » qu’elles voient vénérées partout.
Le même équilibre régit Breathe, chanson écrite à Paris sous un ciel de plomb, après avoir lu un article sur la pollution à Grenoble et vu des photos des métropoles asphyxiées d’Asie. Là encore, le sujet est redoutable :
« Cuando el cielo ya no esté más azul
Las Hermanas Caronni : Breathe
No digas que no te habían dicho
Cuando el humo ya esté dentro de ti
No digas que no te habían dicho
(Quand le ciel ne sera plus bleu
Ne dis pas qu’on ne t’avait pas prévenu
Quand la fumée sera en toi
Ne dis pas qu’on ne t’avait pas prévenu) »
Mais, en réponse, le traitement est redoutablement harmonieux. Venues du nord de l’Argentine, Gianna et Laura Caronni naviguent avec bonheur entre les traditions de leur pays, le jazz, la chanson et la musique classique du vingtième siècle (Debussy, Ravel, Bartók, Ives…). Sur Breathe, leur souffle se fait ailé, modulé, finement emmêlé à celui de l’anglo-italien Piers Faccini qui semble danser autour du silence. Mission accomplie : même s’il y est question de pollution, Breathe est une bouffée d’air pur, un doux vent qui regonfle les voiles des désespérés. Ouf !
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Photo : Cénel et François Mauger