Depuis plus de 20 ans, Christophe Chatel parcourt le monde sous le nom de « Gyraf », une minuscule guitare à la main et une grosse caisse sur le dos. Son projet, comme il l’écrit, est de « toucher les consciences tout en s’amusant ». Discussion sur la stratégie qu’il a choisie, au moment où il s’apprête à publier un nouveau disque, baptisé La goutte d’eau…
Où est né cet nouveau projet ? A Vittel ?
Gyraf : « Oui. J’ai vécu pendant dix ans dans les Vosges, assez près de Vittel et Contrexéville. J’ai pris conscience d’un coup du côté ubuesque de ce qu’il se passait là-bas. Les contradictions qu’on observe entre l’impact de la présence de Nestlé sur l’économie locale et l’appauvrissement des nappes phréatiques au détriment des habitants sont à la fois ubuesques et totalement humaines. En voyant ça, je me suis dit qu’on vit dans un monde de fous, surtout sur cette thématique-là ! Le fait que l’activité économique touche un bien aussi important que l’eau m’a vraiment marqué. Je me suis dit que j’allais me concentrer sur ce sujet le temps d’un album. »
Alors, de quoi parle cet album ?
Gyraf : « Dans mon nouveau spectacle, je raconte l’évolution de la relation entre le héros, monsieur Gyraf, et une goutte d’eau. Le héros ne souhaite pas la laisser partir. La goutte d’eau lui enseigne donc, un peu à la manière de la rose dans Le Petit Prince, ou du Petit Prince lui-même, qu’elle n’appartient à personne, qu’elle est une entité à part entière, qu’il faut la respecter, qu’il ne faut pas l’enfermer dans une bouteille en plastique mais, au contraire, qu’il faut la laisser poursuivre son cycle naturel. »
Comment réagit le public à ce plaidoyer ?
Gyraf : « Le public est touché. Il y a pas mal de niveaux de lecture. On pourrait imaginer une liaison amoureuse, une simple rencontre, une relation écologique… Chacun interprète le spectacle à sa façon. »
Votre philosophie, c’est le « zéro prise de tête ». Comment parle-t-on d’un sujet aussi grave sans ennuyer son audience ?
Gyraf : « Le fait d’être dans une dynamique musicale, rythmée, entraînante aide à éviter la posture du donneur de leçon. Il ne faut pas rabâcher, il faut inventer. Le média qu’est la musique est assez incroyable. En partant vers la dérision, on donne à son sujet moins d’importance en apparence mais on lui donne une dimension humoristique qui touche. Il y a aussi de l’auto-dérision, bien sûr. Au final, en étant léger, le message passe mieux. L’absence de prise de tête, c’est la clé pour entrer dans les esprits. »
L’auto-dérision passe aussi par votre personnage : un homme-orchestre un peu clownesque…
Gyraf : « Oui. Dans le spectacle, c’est moi qui ne souhaite pas laisser partir la goutte. Au départ, je suis dans l’ignorance. Cette goutte, j’en suis un peu amoureux, j’ai envie de la garder. En voulant lui faire du bien, je lui fais du mal. Ma volonté de contrôle est ridicule. »
Vous en êtes au tout début de ce nouveau projet. Quelles seront ses prochaines étapes ?
Gyraf : « Effectivement, le disque sort officiellement début mars. Le spectacle va se diffuser à partir du mois de septembre. En ce moment, la programmation de spectacle n’est pas une activité évidente. Tous mes partenaires, les salles et les festivals, n’ont pas une vision très claire de l’avenir, au niveau budgétaire surtout. Le climat n’est pas très favorable mais on programme la suite des événements malgré tout. L’eau est dans l’actualité. C’est une thématique dont l’importance est reconnue par tout le monde. Et la dimension poétique du spectacle tombe sous le sens. C’est ce que j’essaie d’insuffler dans le spectacle : en transformant son rapport direct à l’eau, on peut changer les choses à grande échelle. Je le pense (ou je l’espère). »
Photo de têtière :
Pour aller plus loin...
Le site web de Gyraf