Tout a commencé un peu par hasard, il y a un peu plus d’un an, dans la pièce où Tony Paeleman enregistre ses maquettes. Passant par là, sa femme, qui est également musicienne, a écouté trois ébauches de nouveaux morceaux, qui ont fait naître en elles des images d’animaux. La conclusion s’est très vite imposée au jazzman : lui qui, depuis l’enfance, dévore livres et documentaires sur le monde animal allait lui consacrer un album. Huit autres compositions ont suivi, intitulées entre autres Guépard, Albatros, Wild Goose ou Dolphins… Chacune raconte une histoire particulière, avec son atmosphère et ses rebondissements. Maman ourse, par exemple, évoque à la fois la puissance et la faiblesse du plantigrade, de petits bruits produits au synthétiseur figurant les appels affamés des oursons.
Le synthétiseur, central sur The Fuse, l’album précédent publié en 2021, n’occupe ici qu’une place secondaire, celle d’un décorateur chargé des ambiances. Le rôle principal est dévolu au piano, impérial. Il partage l’affiche avec la basse de Julien Herné et la batterie de Stéphane Huchard. Quelques amis de passage se sont vus confier un second rôle dans une scène ou une autre, comme le guitariste Matthis Pascaud, le percussionniste Stéphane Edouard ou le rappeur états-unien Mr. J. Medeiros, mais c’est principalement l’art du trio qui est ici illustré.
Bien sûr, Tony Paeleman a écouté ses illustres prédécesseurs. Il est revenu au Saint-Saëns du Carnaval des animaux ou au Tchaïkovski du Lac des cygnes. Mais, enfant des années 80 (celles de Michael Jackson autant que celles d’Herbie Hancock, voire celles de tous les Michel (Berger, Portal, Petrucciani, dans l’ordre ou dans le désordre)), il privilégie dès que possible le groove. Son goût du contraste et son sens du développement créent des tableaux vivants que chacun interprète à sa guise. La question de la sagesse animale est ouvertement posée, celle de l’anéantissement de la beauté qui nous entoure est sous-jacente. Elle prend plus ou moins d’importance selon l’auditeur, sa sensibilité aux malheurs du vivant, sa nostalgie d’un monde en voie de disparition.
L’observation de la vie sauvage peut-elle nous transmettre un peu de son sens de l’équilibre ? Un bel album pour philosopher…
Photo de têtière : Simon Mettler (via Pixabay)
Portrait de Tony Paeleman : Stanislas Augris
Pour aller plus loin...
Le site web de Tony Paeleman