Le jazz souffle à la manière d’une brise rafraîchissante sur une rentrée par ailleurs étouffante. De Manchester, le trompettiste et compositeur Matthew Halsall envoie les mélodies aériennes de son An Ever Changing View. Des Etats-Unis arrive un album orné de volatiles inquiétants, intitulé Fly or Die Fly or Die Fly or Die ((world war)), enthousiasmant enregistrement posthume d’une autre trompettiste visiblement obsédée par les oiseaux, Jaimie Branch. De Tel Aviv, enfin, débarque un disque bien moins guerrier, signé de la pianiste Maya Dunietz et baptisé Thank you tree.
Pourquoi un tel nom ? « C’est un petit jeu de questions et de réponses auquel nous pourrions jouer tous les jours, puisque les réponses sont infinies », s’amuse la compositrice israélienne, qui ajoute « aujourd’hui, ma réponse est : l’oxygène ». Maya Dunietz aime les jeux, les performances décalées, les références surprenantes. Son nouvel album en regorge. Il s’appuie sur le jazz le plus classique, fait un clin d’œil à Elvis Presley puis se lance dans des cavalcades déroutantes, combinant contre-temps et silences, avec des invités tels que le trompettiste Avishai Cohen. La pianiste appelle les improvisations qu’elle pratique avec ses partenaires de jeu habituels, le bassiste Barak Mori et le batteur Amir Bresler, des « adventures ». L’une d’elles – Sad In The Morning Bird Song Adventures Pt1 – relie ce qui semble être à l’origine une ornementation klezmer au vol fragile des oiseaux. « Des oiseaux me sont venus à l’esprit » explique-t-elle. « C’est une sorte de joik [nda : forme de chant traditionnel sami, proche du cri, généralement improvisé] pour les oiseaux. Plus généralement, il m’arrive de voir des compositions naître de l’observation d’arbres ou d’oiseaux, de tempêtes, de volcans… ».
Egalement plasticienne, la jeune femme, dont le travail a été exposé au Centre Pompidou en 2018, considère les deux arts comme deux langues contribuant à un même dialogue avec l’environnement : « Je dirais que tous ces médiums sont des façons différentes d’exprimer notre relation à l’environnement. Chaque site et chaque situation nécessitent une boîte à outils spécifique pour que l’idée résonne au mieux. Parfois il y a plus d’éléments et parfois moins. Le rituel peut inclure des interprètes, des objets, des mouvements, mais il y a toujours une relation avec l’environnement et un appel à la résonance et au dialogue avec lui. Les vibrations qui dansent dans l’espace, dans l’air, dans le corps et tout autour de nous sont définitivement au cœur de notre connexion à l’environnement. »
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de Maya Dunietz