Lucas Santtana est entré dans nos vies en 2012, en coup de vent, un peu comme les trombes d’eau qui déferlaient alors sur la pochette de O deus que devasta mas também cura (« Le dieu qui dévaste mais soigne aussi », disque inoubliable), et n’en est jamais ressorti. Voilà plus d’une décennie que la musique du Brésilien nous accompagne. Nous nous sentions déjà proches mais nous ne nous nous savions pas si complices : le chanteur de Salvador de Bahia publie en ce début d’année un album entièrement dédié à la question de l’environnement.
Le ton est donné dès le premier morceau, O Paraíso, qui donne son titre à l’album : « Oui, oui, oui, le paradis est déjà ici / Inutile de mourir / Pour le découvrir / Il suffit de comprendre / Où vous vivez ».
Le suivant, What’s life, s’inspire du travail de la biologiste Lynn Margulis. Interrogée dans le documentaire de John Feldman Symbiotic Earth sur sa définition de la vie, elle donne une réponse peu conventionnelle que Lucas Santtana retranscrit et orne d’un refrain chanté par des voix robotisées, parodiant plaisamment Kraftwerk.
Tel est le petit Paraíso fabriqué ici : léger, ludique et constamment brillant ! L’œuvre a été enregistrée à Paris avec des musiciens locaux : le percussionniste brésilien Zé Luis Nascimento, fidèle partenaire de Titi Robin, le violoncelliste Vincent Segal, les saxophonistes Laurent Bardainne et Rémi Sciuto, le trompettiste Sylvain Bardiau et même les Petits Chanteurs d’Asnières ! Le disque fourmille de trouvailles enthousiasmantes, comme le final obsédant d’Errare Humanum Est (une reprise de Jorge Ben), la bossa nova psychanalytique de No interior de tudo ou les slogans piquants de Muita pose, pouca yoga, chantés avec Flavia Coelho.
S’il ne fallait retenir que l’un de ces dix titres, ce serait certainement le bien nommé Vamos ficar na terra (« Nous allons rester sur terre »), une réponse aussi soyeuse qu’acerbe aux délires interplanétaires d’Elon Musk :
« Elle s’appelle cupidité / Mariée à monsieur consommation / Ils ont eu des milliers d'enfants / Qui tous s’appellent défunts / Ils ont acheté un vaisseau / Ils sont partis pour une autre planète / Où personne ne sait comment respirer / Oh chérie, restons sur Terre »
Que Lucas Santtana ait la ferme intention de rester sur Terre est une très bonne nouvelle. C’est en effet le genre d’artiste dont on dit volontiers qu’on le suivrait partout, mais probablement pas sur Mars…
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de No Format, le label de Lucas Santtana