Sur son nouvel album, Souad Massi rend hommage à Victor Jara, le chanteur chilien tué dès les premiers jours de la dictature de Pinochet. C’est sa façon de réaffirmer son attachement à une forme de folk militant, de s’inscrire dans un arbre généalogique dont les autres branches se nomment Violeta Parra ou Pete Seeger, Silvio Rodriguez ou Tracy Chapman… Pour autant, le folk de cette chanteuse d’origine algérienne n’a rien d’austère. Chaleureux, il se mâtine de musique populaire arabo-andalouse, de rythmes africains et d’invitations lancées à Naïssam Jalal et Piers Faccini pour concilier douceur et pugnacité, mêler accents mélancoliques et bulles d’espoirs. Sur ce dixième disque, aucune chanson n’est explicitement dédiée à la défense de l’environnement. Pourtant, la nature y est omniprésente et se glisse même sur la couverture…
Pourquoi, sur la pochette de votre nouvel album, posez-vous avec des pâquerettes sur les yeux ?
Souad Massi : « J’ai choisi ces fleurs, les pâquerettes, parce que ce sont des fleurs sauvages qui poussent un peu partout. Elles montrent une belle résistance : elles poussent entre les pavés, dans les fissures, malgré les contraintes. Les voir me donnent du courage. Je les prends comme des signes. Je me dis « Si elles arrivent à pousser, à exister malgré toutes les contraintes, moi aussi je peux y arriver ». »
Derrière ces fleurs, vous avez les yeux clos…
Souad Massi : « Oui, parce que je ne veux pas voir le monde tel qu’il est. Ce monde me fait peur, à cause de l’indifférence, de l’égoïsme, de l’égocentrisme, des guerres… Surtout à cause de l’indifférence. L’indifférence me fait très très peur. »
Pourquoi avez-vous donné à ce disque le nom de Sequana, la déesse gauloise qui veillait sur les sources ?
Souad Massi : « Je me suis permise d’emprunter son nom parce que Sequana soignait les gens qui venaient la voir. Moi, je lui demande de m’aider à prendre soin – sans prétention – des gens. J’essaie de soigner les mots de notre société, qui souffre de déshumanisation. »
Votre musique soigne ?
Souad Massi : « Cela me gêne de le dire comme ça mais, en tout cas, quand j’écris une chanson, j’y mets toute mon énergie pour faire du bien aux gens, pour les accompagner. Quand j’échange avec des personnes après mes spectacles et qu’ils me disent « Ta chanson m’a fait beaucoup de bien » ou « J’étais malade, j’écoutais ton disque et ça m’a aidé », j’ai la sensation de participer au bien-être de ces personnes et ça me remplit de bonheur. »
Avec ses pâquerettes et ses sources qui soignent, c’est un disque pour lequel la nature est une source d’inspiration importante ?
Souad Massi : « La nature a toujours été une source d’inspiration importante pour moi. Ces fleurs, qui symbolisent la résistance et l’apaisement, m’aident à écrire, à transmettre des messages, me donnent du courage. »
Le texte qui accompagne le disque parle aussi d’un papillon, le paon du jour, qui n’est pas celui avec lequel vous posez dans le livret…
Souad Massi : « Tout à fait. En fait, j’ai écrit un texte sur ce papillon. Je ne l’ai pas encore mis en musique mais je travaille dessus. Ce n’est pas encore sorti. »
Pourquoi vous intéresse-t-il ? Parce que ses larves vivent sur les orties, des plantes mal aimées ?
Souad Massi : « En fait, ce qui m’a marquée, c’est que lorsqu’il n’est qu’une chenille, s’il perd le contact avec les autres, s’il se retrouve seul, il se laisse mourir. Ça m’a interpellé. Je me suis dit « Mais ce n’est pas possible, cette forme d’intelligence, ce rapport que certains animaux ou certains insectes ont entre eux ! ». Ils ont besoin les uns des autres. Ils ont leur organisation, leur façon de dialoguer, des choses que, malheureusement, nous sommes en train de perdre, nous les humains. Franchement, j’étais triste de constater ça. Ça peut paraître naïf mais ça a eu un impact sur moi et j’espère pouvoir mettre ce texte en musique prochainement. »
Photo de têtière : Cénel Fréchet-Mauger
Pour aller plus loin... Le site web de Souad Massi