Au commencement, était le son. Le vent, l’océan, des cris d’oiseaux marins… Inori, le troisième extrait de l’album Aura, s’ouvre sur un enregistrement de terrain réalisé à Fukushima, à moins d’un kilomètre de la centrale. La chanteuse japonaise Hatis Noit a été invitée à s’y produire à l’occasion d’une cérémonie commémorative. Elle pensait écrire une chanson sur les dangers de l’énergie nucléaire mais l’accueil que lui ont réservée les habitants et les confessions qu’ils lui ont faites l’ont amenée à changer d’avis. Sa chanson est devenue une prière (« inori » en japonais) pour les morts autant que pour les vivants…
Le 11 mars 2011, un gigantesque raz-de-marée a ravagé les côtes du Japon, faisant plus de 20 000 victimes. La centrale nucléaire de Fukushima Daiichi a été frappée par la vague. Les installations de secours et les circuits de refroidissement ont été inondés, provoquant la fusion partielle des cœurs des réacteurs. Une explosion s’est produite, le toit des bâtiments a été soufflé. Une partie de l’iode 131 et du césium 137 présents dans les réacteurs ont été rejetés dans l’atmosphère. Dix ans plus tard, plus de 3 000 personnes mènent encore chaque jour des opérations complexes de nettoyage et de démantèlement. Elles vont encore durer plusieurs décennies mais les habitants sont invités à regagner la ville la plus proche.
Inori est emblématique de l’art de Hatis Noit. En dehors de l’enregistrement de terrain initial, on n’y entend que sa voix, comme sur l’ensemble de l’album. Née sur l’île d’Hokkaido, au nord du Japon, la jeune femme a eu une révélation à l’âge de seize ans lors d’un pèlerinage au Népal, en entendant une religieuse chanter. Depuis, elle se passionne pour les traditions vocales du monde entier, notamment celles de Bulgarie. Sur Inori, la voix prend successivement des allures enfantines et impériales, passant du chuchotement au râle puis à la mélodie la plus irisée, avant de se fondre dans le son ambiant. Plus qu’un tour de chant, un tour du monde : artiste à suivre, Hatis Noit entraîne la planète entière dans sa prière. Nous sommes tous des rescapés de Fukushima !
Photo de têtière : Cénel Fréchet-Mauger
Pour aller plus loin... Le site web d’Hatis Noit Le site web d’Erased tapes, son label