La France compte plus de 5 000 festivals. Certains sont gigantesques, d’autres minuscules ; certains se consacrent à la musique, d’autres à la bande dessinée ou à la marionnette ; certains ont acquis une notoriété mondiale, d’autres sont des événements très locaux…
Mais tous se posent en ce moment la question de l’environnement. Bien malgré eux, pour certains, puisque les conditions météorologiques risquent à tout instant d’empêcher leur tenue. Avec passion, pour d’autres, volontairement engagés dans une transition écologique. Comment distinguer les simples suiveurs des militants ? Il n’est pas aisé d’être officiellement reconnu comme un « éco-festival ».
Exemple avec le festival de Néoules, situé en pleine Provence verte, à une quarantaine de kilomètres au nord de Toulon. L’événement fêtait l’année dernière ses 30 ans. Il revient du 21 au 23 juillet 2022, avec une affiche d’une grande diversité : le reggae anglais de Steel Pulse (notamment auteurs, au moment de la COP26 à Glasgow, d’un morceau au titre explicite : Only One Word), la chanson humoristique des Zoufris Maracas, la drum’n’bass d’Elisa Do Brasil… L’autre nouveauté de l’année est l’ambition clairement affichée d’être labellisé « éco-festival ». Mais, comme l’explique Valérie Poirrier, l’une des bénévoles de l’association, cela n’a rien d’évident…
Le festival est l’un des plus anciens du Var mais c’est il y a cinq ans qu’il a pris le tournant de l’éco-responsabilité. Que s’est-il passé. Qu’est-ce qui a provoqué ce déclic ?
Valérie Poirrier : « C’est un bénévole qui travaillait auparavant dans une recyclerie qui a initié cette démarche environnementale. Il a mis en place une brigade verte, pour le tri et le recyclage. Ça correspondait vraiment à la démarche de toute l’équipe. On est tous entré dans la démarche, plus en profondeur, par étapes. On a mis en place un éclairage Led. En 2019, on a mis en place des toilettes sèches sur le site du festival. On s’est renseigné sur les achats en circuit court de produits locaux, on a même commencé à prendre des produits bio. On a commencé à faire des sondages auprès des festivaliers pour savoir d’où ils venaient et si on pouvait mettre en place des navettes. Tout ça est la suite logique de l’histoire du festival… »
Quelles ont été vos priorités pendant cette évolution ?
Valérie Poirrier : « On a eu la sagesse d’avancer par étapes. D’abord la brigade verte, puis la réduction de la consommation d’énergie, puis les achats en circuit court, puis les toilettes sèches… Aujourd’hui, on a rejoint le Cofees, le Collectif des Festivals Eco-responsables et Solidaires de la région Paca. Avec eux, on a signé une charte RSE pour approfondir cette démarche. On cherche à mutualiser des achats, des outils ou des informations. »
De quelles réussites êtes-vous les plus fiers ? Et qu’est-ce qui bloque encore ?
Valérie Poirrier : « Ce dont on est le plus fier, c’est d’avoir réussi à passer en circuit court sans changer les prix de ventes aux festivaliers. Ce qui nous bloque, c’est qu’il n’existe pas pour l’instant dans le Var de charte pour les éco-festivals. Le Cofees en a mis une en place dans la métropole Aix-Marseille mais, comme on est que deux festivals du Var membres du Cofees, ils ne peuvent pas nous proposer d’en faire autant. Obtenir une reconnaissance de notre éco-responsabilité au niveau européen est très compliqué. Pour une certification ISO, il faut un accompagnement professionnel qui coûte 10 000 euros. Pour nous, qui sommes tous bénévoles, c’est hors de prix. Résultat : il est difficile d’être estampillé éco-festival. En septembre, on va essayer de rencontrer d’autres festivals du Var pour qu’ils entrent à leur tour dans le Cofees. »
Pourquoi est-il si important pour vous d’obtenir ce label ?
Valérie Poirrier : « Pour nous, c’est comme si on l’avait déjà ! Pour les institutions, par contre, c’est important. Le label peut nous ouvrir des portes. Être entré dans le Cofees nous aide déjà. Ce label changerait le ton de nos discussions avec les institutions. »
Mais changerait-il vos rapports avec les festivaliers ?
Valérie Poirrier : « Non. Ils savent ce qu’on a mis en place et ils en sont très contents. Les produits locaux, bio, voire végétariens, leur plaisent. On leur annonce chaque avancée et ils nous en félicitent à chaque fois. Ils sont dans la même démarche que nous. »
Et les artistes ?
Valérie Poirrier : « Non plus. Certains artistes sont dans cette démarche, d’autres pas du tout. Certains viennent avec leur gourde et ne demandent qu’une fontaine à eau, d’autres n’ont rien changé à leurs demandes. Pourtant, on rappelle à tous que notre festival est éco-responsable et cherche à éviter le gaspillage. »
Est-ce que les efforts que vous faites ont une répercussion en dehors du festival ?
Valérie Poirrier : « Beaucoup de bénévoles réfléchissaient déjà aux questions d’environnement avant que le festival ne crée sa brigade verte. Pour ceux qui ne seraient pas dans cette démarche, on fait toujours une réunion de sensibilisation au début du festival. Mais, en général, on attire des bénévoles qui nous ressemblent. Cette année encore, beaucoup de bénévoles, en s’inscrivant, m’ont dit que ce qui leur plaisait, dans l’image de notre festival, c’était sa dimension écologique. »
Photo de têtière : François Mauger
Pour aller plus loin... Le site web du festival de Néoules Le site web de Cofees