Même sur une plage, l’être humain ne se met jamais à nu. Il emporte partout où il va quelques centimètres carrés de tissu et ce qu’il appelle au choix « culture » ou « civilisation » : un art de se partager l’espace, d’occuper ses heures creuses… Trois artistes lituaniennes ont choisi de s’en amuser en créant un opéra-performance pour treize voix, Sun & Sea, qui, après un Lion d’or à la Biennale de Venise et une longue tournée, fait halte à Bruxelles, au Théâtre Les Tanneurs.
Les spectateurs découvrent donc une douzaine de baigneurs allongés sur des serviettes de couleur pastel, entre tongs et sacs de plage. Un à un, ils chantent leur monologue. La partition de Lina Lapelytė les mêle régulièrement en un chœur ondoyant. Si les interprètes chantent parfois des instructions de protection solaire, les textes de la poétesse Vaiva Grainytė s’attardent plus longuement sur les questions qu’ils portent en eux sur leur vie de famille, leur travail, leur avenir…
Au fur et à mesure que ses pensées se multiplient, des points communs apparaissent. Les inquiétudes se font plus vastes, le portrait de l’humanité plus large. C’est le réchauffement climatique qui se cache au fond de tous ces ruminements. L’éco-philosophe Timothy Morton décrit ce changement comme un « hyper-objet », à la fois si proche et si vaste que l’esprit humain peine à l’appréhender pleinement. Rugilė Barzdžiukaitė, Vaiva Grainytė et Lina Lapelytė peignent les profonds remous de nos consciences et elles ont l’intelligence de le faire dans un cadre qui nous est familier : une plage bondée en été.
Photo de têtière : François Mauger Autre photo : Andrej Vasilenko
Pour aller plus loin... Le site web du Théâtre des Tanneurs, à Bruxelles, qui reçoit l'opéra du 25 au 27 mars 2022 La page Bandcamp dédiée à l'opéra