Raymond Murray Schafer est décédé. Affligé de la maladie d’Alzheimer, le compositeur a rendu son dernier souffle le 14 août, à l’âge de 88 ans.
Pour la plupart des Européens, il était avant tout l’auteur d’un essai fondateur : « Le Paysage sonore, le monde comme musique ». En 300 pages, il y a esquissé dès la fin des années 1970 une histoire du monde sonore, popularisant au passage la notion d’ « écologie sonore » et invitant ses lecteurs à trouver leur juste place dans l’environnement acoustique.
Pour ses amis et ses proches, il était un inlassable lanceur d’idées, l’infatigable promoteur du « projet mondial d’environnement sonore » mais aussi, de façon plus intimiste, l’animateur d’un « wolf project » qui réunissait chaque mois d’août quelques dizaines de participants dans l’Ontario, au cœur de la Haliburton Forest and Wildlife Reserve, pour une semaine de théâtre, de musique et de silence marquée par les appels des loups.
Pour ses compatriotes canadiens, il était aussi et surtout l’un des compositeurs dont ils étaient le plus fiers. Le Devoir rappelle que, lorsqu’il avait été le premier récipiendaire du prix Glenn Gould, en 1987, le violoniste Yehudi Menuhin avait fait l’éloge d’un compositeur « doté d’une imagination et d’une intelligence fortes et hautement originales, orientées vers le bien, d’une puissance dynamique, dont les multiples expressions personnelles et les aspirations sont en total accord avec les besoins urgents et les rêves de l’humanité d’aujourd’hui ».
Raymond Murray Schafer laisse derrière lui une œuvre immense. Ses pièces sont encore jouées régulièrement, par des orchestres ou des ensembles vocaux tels que les Métaboles de Léo Warynski, à l’exception de ses créations les plus ambitieuses, condamnées à n’être que d’excellents souvenirs dans la mémoire de celles et ceux qui y ont assisté. Ainsi, l’opéra Princess of the stars, par exemple, avait été conçu pour des musiciens rassemblés au bord d’un lac une heure avant l’aube, de façon à accompagner le réveil des oiseaux et le lever du soleil, tandis que d’autres interprètes entraient en scène sur des canoës, chantant dans une langue inventée par Schafer.
Comment ne pas garder en mémoire l’image que donne du compositeur un film de 2009 réalisé par David New ? Raymond Murray Schafer a alors 76 ans et la scène finale le montre tenant un pancarte qu’il a brandi d’une façon ou d’une autre toute sa vie. Il y est simplement écrit : « Listen » (« écoute »).
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Photo de têtière : Cénel et François Mauger